"Tout est relatif, et cela seul est absolu."
(Auguste Comte)
(ben ça commence bien tiens !)
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LA NATURE COMME ÉQUILIBRE :
quelques petits commentaires
par Hasard...
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Pour illustrer les tracas que peuvent causer les paradoxes liés à la notion d'équilibre, l'image du cerceau que l'on laisse rouler sur une pente est impeccable : le cerceau est à la fois en parfait équilibre et en parfait déséquilibre, cela dépend si on le regarde de face ou de profil. Mais ces deux états contradictoires sont indispensables l'un à l'autre : si l'équilibre vient à manquer le cerceau se couche et il n'y a plus de déséquilibre. Si le déséquilibre vient à manquer (la route devient plate), le cerceau se couche aussi. Alors le cerceau, puisqu'on veut à tout prix lui trouver un état univoque, est-il en équilibre ou en déséquilibre ? Ou bien, rien à faire, est-il absolument, irréductiblement, les deux à la fois? Un vrai casse tête Tao. De manière générale on parle d'équilibre dans cette situation parce qu'on a l'illusion d'un objet qui se maintient dans un état donné alors qu'à partir du moment où il a commencé à rouler le cerceau a commencé une chute qui finira immanquablement par terre. Le problème c'est que l'on veut toujours penser les choses en "état" et non en "processus temporaire". L'impermanence rentre mal dans nos cases conceptuelles. Trouver le cerceau en équilibre, c'est un peu comme considérer qu'une tuile qui tombe d'un toit vole. Absurde, n'est-ce pas ? Mais, tous les parachutistes le disent, en chute libre on a vraiment la sensation de voler, la seule différence c'est que le sol se rapproche inexorablement. Ce qui n'empêche pas d'oublier le sol, et de se retrouver comme en état d'apesanteur, le temps de quelques cabrioles. Ça paraît peut-être idiot de dire que la chute n'est que relative au sol qui se rapproche mais c'est vrai. Un état d'équilibre ou de déséquilibre se mesure forcément en fonction de ce qui l'entoure. Et tant que mon cerceau évolue dans un monde à plusieurs dimensions, il sera au choix en équilibre ou en déséquilibre selon le référent que l'on a choisi. Comme les joueurs de ping-pong dans le train de Newton (y avait des trains et du ping-pong à l'époque ? c'est pas Newton ?). À partir du moment où l'on ne croit plus en un référent absolu, on est bien obligé de choisir des référents relatifs en fonction de ce que l'on veut décrire. Le problème est notre incapacité à nous contenter de ce point de vue relatif, et vouloir absolument un état absolu à notre objet : la balle de ping-pong fait-elle des allers-retours ou la balle de ping-pong avance à vitesse irrégulière en ondulant ?
Pour ce qui est de l'équilibre écologique, une fois que l'on s'est débarrassé de l'absolu, la question est de savoir si le jeu de forces se fait dans les limites des conditions d'existence de notre sujet (la vie, l'humanité, les dodos, les fourmis et peu importe le groupe ou l'échelle), que ce jeu de forces évolue de façon régulière ou non. Tant que celui-ci se maintient dans le champ des conditions favorables à prolonger l'existence de notre sujet arbitrairement choisi, on pourrait parler d'un équilibre relatif à notre sujet, ni plus ni moins que pour le cerceau, et espérer que ce jeu de forces nous restera favorable le plus longtemps possible. Si notre point de départ c'est l'importance de rester en vie (choix arbitraire sans doute) on est obligé de prendre en compte tout un jeu d'interdépendances, toute une infinité de facteurs, toutes les parties extrinsèques (qui ont en commun leur rapport à mon sujet), qui rendent une configuration donnée viable pour la survie de notre sujet (égoïstement, nous-autre êtres sensibles par exemple). On pourrait donc considérer qu'il y a rupture d'équilibre (si l'on veut toujours utiliser ce terme) lorsque tous ces éléments ne permettent plus de perpétuer la continuité du sujet choisi comme référent. Mais lorsque l'on constate la rupture il est déjà trop tard. La question que l'on peut donc se poser avant qu'il ne soit trop tard est : comment faire pour que tous les ingrédients indispensables à la continuité de mon sujet se maintiennent (ou soient correctement remplacés en cas de défaillance d'une partie) le mieux possible (sous une forme ou une autre - tant que ça nous convient). Comment faire pour que ce jeu de forces favorable(qui s'est sans doute (ou presque) configuré par hasard) reste favorable le plus longtemps possible. Quand à la référence à Dieu, il faut savoir qu'un système maintenu par Dieu n'est pas un système en équilibre, c'est juste un système maintenu par Dieu. Alors y a-t-il une force qui perpétue l'existence de mon système ? Encore une fois, ni plus ni moins que pour mon cerceau. Et rien ne m'interdit d'étudier ce phénomène ou même de le nommer, entre guillemets ou non, tant que je garde à l'esprit qu'il est relatif, hasardeux et impermanent. Mais c'est certain qu'un terme qui prête moins à confusion qu'"équilibre" serait bien mieux. Des propositions ?